jeudi 10 septembre 2020

War Games (1983)

Film culte de mes jeunes années, véritable sommet des années 80, préfigurant Internet, l'intelligence artificielle, la fin de la guerre froide et l'avènement des Geeks comme seul rempart contre la connerie humaine, War Games de John Badham est un film ovni incontournable. Décryptage sans Spoilers :
 

David Lightman adolescent américain, passionné d'informatique, falsifie les notes de son bulletin en connectant son ordinateur sur celui de son école. Ses parents le félicitent pour ses bonnes notes, il sympathise avec une charmante jeune fille de sa classe, la vie est belle pour David et la guerre froide ne le concerne pas un seul instant. Malheureusement pour lui la société de jeux vidéos qu'il veut pirater « innocemment » se révèle être un serveur militaire qui gère les armes nucléaire du pays. Il demande à « Joshua » l'intelligence artificielle gestionnaire de l'arsenal, de jouer à une « guerre thermonucléaire globale ». Le lendemain, il réalise qu'il a fait joujou avec le mauvais ordinateur lorsque les infos parlent d'une tentative d'attaque similaire en tous points avec son jeu de la veille. Affolé, il décide de jeter tout ce qui le relie à Joshua. David s'imagine sortit d'affaire mais Joshua veut à tout prix finir la partie, et la gagner. Le FBI repère David et l'incarcère. Les autorités sont persuadées que David est un agent russe et que l'attaque est très réelle...


A l'origine du projet, la nouvelle passion des adolescents américains : les jeux vidéos. Plusieurs consoles déferlent et les salles d'arcades poussent comme des champignons un peu partout aux USA. L'idée de l'ordinateur domestique (Home computer) naît, et Hollywood est sur le coup bien sur.

Laurence Walker au scénario part dans plusieurs directions initiales fantaisistes (Une histoire ou John Lennon était aux commandes d'un complot est rapidement abandonnée). Stephen Hawking inspirera le personnage de Stephen Falken. Le génie refusera d’apparaître dans le film d'ailleurs. Autre personnage inspiré d'un personnage très réel, mais celui-ci méconnu, le véritable chef du NORAD James Hart (Barry Corbin dans le film) qui sera une source très précieuse pour l'authenticité de certains aspects comme la salle opérationnelle du NORAD ou le caractère du général Beringer aux commandes.

John Badham n'est pas le premier réalisateur. Martin Brest est initialement aux commandes mais Brest avait une vision plus dark du projet et la production le remplace au profit de Badham. Côté acteurs, le film contient d'éternels seconds rôles dont personne ne se souvient les noms mais dont les visages sont ancrés dans la mémoire collective : Eddie Deezen de Grease, John Wood à l'origine de la malédiction dans le sublime LadyHawk, Maury Chaykin supérieur de Costner qui se tire une balle dans la tête dans danse avec les loups mais surtout Ally Sheedy qui sera grâce a son rôle dans Wargames, une adolescente du film culte Breakfast Club de John Hughes.


Dans cette Amérique du bouclier antinucléaire intitulé « Star Wars » de Reagan et de la Russie que le gouvernement américain désigne comme « l'empire du mal », le récit de WarGames est l'incarnation de toute cette époque. La peur de l'anéantissement nucléaire véhiculé par la crise des missiles de Cuba est encore dans les années 80, dans tous les esprits. Avec le recul et la vison actuelle, le film décrit un engrenage de mauvaises décisions dont les protagonistes n'ont pas d'autres choix que de les prendre. Pour gagner, impossible de ne pas anéantir l'adversaire, même si cette décision doit nous anéantir nous-même. Pour nous mettre dans l'ambiance dès le début, la première scène montre deux soldats en charge de missiles nucléaires, à qui l'ordre à été donné de lancer leur arsenal. Transpirant et stressé par la responsabilité d'avoir 20 millions de morts sur les bras, l'un d'eux refuse de tourner la clé de lancement. L'illusion du pays le plus puisant au monde est là : celui dont le métier est de défendre la société n'est pas capable de le faire. Dans le même temps, un adolescent perverti par l'obsession du « toujours mieux » va pousser sans le vouloir sa nation au bord de l'apocalypse.

Revoir Wargames aujourd'hui peut être déconcertant. Il est légitime de juger certaines scènes kitchouilles et dépassées. Mais comment ne pas applaudir à tant d'idées révolutionnaires dans un monde ou internet, l'A.I et l'ordinateur personnel n'est pas encore popularisé ? Je peine à déterminer quel est le genre de ce film. Film d'adolescent ? Drame social ? Science-Fiction ? Film d'anticipation ? Wargames peut être placé dans plusieurs genres et comme tout chef d’œuvre ses thèmes trouvent leur place dans plusieurs registres.

Si je ne devais retenir qu'une seule scène ce serait celle ou le professeur Falken fait l'éloge de la destruction des civilisations aux deux adolescents qui tentent de le convaincre de les aider. « Les races sont faites pour s'éteindre, c'est dans l'ordre des choses, regardez les dinosaures ».

Sommet du genre, le résultat est une déconstruction des années 80 qui prouve que même sans artifices numériques un récit à suspense inexorable est possible. Véritable objet de culte pour ma part, je termine ce texte et je me le remate.