jeudi 30 avril 2020

Once Upon a Time in HOLLYWOOD de Quentin Tarantino (2019)

Entre la fin des Beatles, l'assassinat de JFK, et le premier pas sur la lune, les années 60 furent une décennie charnière dans l'histoire... également à Hollywood. Tarantino ressuscite 1969 pour nous offrir une œuvre jubilatoire, onirique et très addictive. Attention ça va SPOILER sec dans l'article....
1969, Los-Angeles. Rick Dalton est un acteur avec 15 années d'interprétation de badguy au compteur dans des productions TV et quelques films. Son meilleur ami et doublure Cliff l'accompagne au quotidien. Rick, pour qui l'appel du western spaghetti est un signal du destin que sa carrière est terminée, s'adonne à l'alcool. Il faut dire que quand on a le couple Polanski et Sharon Tate comme voisins... ce n'est pas facile de positiver....
Prendre un évènement comme les meurtres de la Manson Family en toile de fond (véritable traumatisme pour les Etats-Unis), pour parler de l'univers d'un acteur de seconde zone peut sembler hasardeux. Le moins qu'on puisse dire est que le langage de Tarantino n'est pas si accessible et ce 9ème film est définitivement le plus clivant de sa carrière. Loin des copier/coller du cinéma bis de ses débuts, force est de constater que le père QT tente des trucs. La minutieuse reconstitution du Hollywood des sixties en décors naturels, l'interprétation de Di Caprio ultra sensible et alcoolique, de Brad Pitt en énigme charismatique et celle de Margot Robbie bluffante de sincérité en Sharon Tate, offre une sensation enivrante. Le film ne sombre pas dans les références à outrance comme souvent avec QT. Au contraire, cette fois il crée une ambiance, invente des œuvres dans lesquelles ses personnages fictifs évoluent et côtoient Steve McQueen et d'autres. Il glisse subtilement des affiches de western spaghetti inventés mais pas si improbables (Nebraska Jim au lieu de Navajo Joe), positionne le Faucon Maltais dans une librairie ou se rend Margot Robbie, fait danser Cass Elliot du groupe mamas and the papas dans une fête d'anthologie au manoir de Playboy.... On est comme plongé dans cette époque et sans doute dans la tête du réalisateur par la même occasion. S'il ne fallait retenir qu'une seule scène, je penserais à l'étonnante scène à Spahn Ranch. Jeunes hippies au faciès inexpressifs, guitounes de bois mort, tournage en plein soleil rendant la lumière oppressante, on y retrouve l'ambiance des films d'horreur des années 80 et un suspense quasi hitchcockien. Tarantino utilise sur certains plans le procédé de filmer de biais, comme le faisait la série The Twilight Zone, pour accentuer comme l'aurait fait un réalisateur en 1960, un sentiment de malaise avec les moyens de l'époque, facile mais toujours efficace.
Concernant la polémique avec Bruce Lee, j'estime que, chronologiquement dans la construction du personnage de Cliff, cette scène est évidente. Pourquoi Tarantino voulait que les spectateurs comprennent que Cliff est très balèse ? Car plus tard dans le film, Il se rend à Spahn ranch, faire la rencontre des Hippies bourrés d'acides du gourou Charles Manson. Le spectateur lambda n'ignore pas que dans la horde de chevelus se trouvent des tueurs sanguinaires tarés qui feront de Sharon Tate une victime célèbre. Il est possible que Tarantino ait voulu créer une ambiguïté prenant le spectateur par la main pour qu'il se demande si Cliff est capable d'affronter Bruce Lee. saura t-il faire face à une horde de hippies lobotomisés ? Les enfants de Charles Manson auront-ils peur d'un vieux cascadeur de 40 piges ? Cliff sera t-il à la hauteur des psychopathes ? La scène de Bruce Lee permet de faire ressortir que Cliff est capable de se battre, pour ensuite créer une inquiétude le concernant, lorsqu'il sera à Spahn ranch. Basta. Afin de désamorcer la colère que certains Brucophiles ont exprimé, n'oublions pas que la carrière de Bruce Lee ne débute vraiment qu'en 1971 avec "Big Boss". Lorsque le personnage (fictif rappelons-le...) de Cliff croise Bruce en 1969, Cliff le surnomme Kato, à cause de son rôle de sidekicks tenu dans Le Frelon vert. Série TV qui n'a eu qu'une seule et unique saison en 1967. Bruce n'est alors pas la star qu'il deviendra quelques années plus tard. Lorsqu'ils se battent, Bruce n'a été que Kato et l'interprète de petits rôles secondaires. Le tournage du film sur lequel Cliff et lui se trouvent est fictif, Bruce Lee n'a pas eu de premier rôle avant 1971. Les authentiques passionnés du petit Dragon qui connaissent la chronologie de sa filmographie peuvent se rassurer : l'honneur de la star est sauf. Sans oublier que Bruce Lee est un acteur que l'industrie du cinéma a continué de mettre en scène après sa mort durant des années. Le "genre" était appelé la "Bruceploitation". Tarantino n'est pas le premier à avoir blasphémé en ressuscitant l'acteur. En témoignent : pléthore de productions qui capitaliseront sur son nom, avec des films qui parfois tenteront d'expliquer sa mort (Death of Bruce Lee de Lu Chin-Ku, 1975) et d'autres aux thèmes purement mercantiles (La vie sentimentale de Bruce Lee and I de John Lo Mar, 1972). Avec "La résurrection du Dragon" (Leung Siu-Sing, 1978), on tombe carrément dans le grotesque : Bruce Lee rencontre une fois dans l'autre monde James Bond, Dracula et plein d'autres ! C'est pour ces raisons que j'ai envie d'affirmer : Ok, Tarantino le ridiculise dans une bagarre très rapide avec Brad Pitt, juste pour appuyer le propos que Cliff est un badass. Mais c'est finalement bien gentillet, par rapport à la multitude des petites productions qui se sont fait de la tune sur son dos. A côté de ces merdes, ce que Tarantino à fait ressemble davantage à un hommage qu'à un affront.
Bien sûr on peut toujours protester que le magnifique Plan aérien qui surplombe un Di Caprio dans sa piscine et qui plonge ensuite sur Marggot Robbie en trench peau de serpent évoque ce célèbre plan de Dario Argento dans Tenebres  On peut également trouver une ressemblance dans le plan de Margot Robbie qui ronfle dans son plumard avec la première scène de Virginia Mayo dans White Heat (Raoul Walsh, 1949). Mais au lieu de regarder tout ça du côté le "verre à moitié vide" et affirmer que Tarantino reproduit un cinéma de genre débile qu'il se cite à longueur de temps à grand coups de plans sur les pieds et de publicités Red Apple qui ne servent pas l'intrigue... On peux aussi objecter qu'il n'y a aucun lien entre les meurtres de Sharon Tate et le nouvel Hollywood, ok... tout cela est vrai (peut-être)....Personnellement, j'ai vraiment envie d'accorder un peu plus de valeur aux idées de Tarantino pour cette fois. Je reste sur mon impression positive et ses tentatives pour faire différemment ainsi que sur l'aspect onirique d'un fait divers sordide revisité par un cinéphile. Un jour, un jeune de 20 ans m'a dit qu'il aurait aimé vivre dans le monde d'Harry Potter. Et ben moi à l'âge de 43 ans, j'aimerais vivre dans le monde de Once Upon a time in Hollywood...